Au sujet de la durée de validité des diagnostics « amiante » !
Un article proposé par Frank (membre du Cercle et gérant Alter Diagnostic).
Dans son communiqué de presse du 31 octobre 2007, la DGUHC (ancienne DHUP) avait précisé les durées de validité respective de chaque diagnostic :
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Je ne suis pas juriste, mais je tente néanmoins d’être un homme de terrain et « bon sens garder » !
Si, au sujet des précisions de la DGUHC, je n’ai aucune remarque à faire sur les durées de validité des diagnostics : DPE – CREP – Gaz – Electricité et Termites puisque que ces durées sont clairement énoncées par les diverses réglementations.
Cependant, il me parait aberrant que la durée de validité d’un diagnostic amiante puisse être « illimité » : à mon sens, l’absence d’indication dans les textes ne veut pas dire durée illimitée, mais plutôt validité à l’instant « T », c’est à dire au moment ou le bien est visité, et juste ce moment là.
J’en veux pour preuves que :
- La durée de validité d’un diagnostic « plomb » est illimitée en l’absence de plomb dans les peintures et seulement dans ce cas précis et c’est l’Article L.1134-5 du code de la santé publique qui le précise.
- La date de visite du bien doit obligatoirement être précisée dans le diagnostic amiante et aucune réglementation ne donne de précision quant à sa durée de validité.
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Il nous faut faire référence aux précédents diagnostics amiante ayant été réalisés auparavant.
J’en veux également pour preuves 3 histoires vécues :
1. l’année dernière, je visite une maison bâtie en 2006 pour un DPE : donc pas de diagnostic amiante obligatoire. Lors de mon passage, je remarque dans le fond du jardin, un abri recouvert en plaques ondulées. J’en fait la remarque au vendeur qui me confirme que cette couverture est faite avec un surplus de plaques achetées au début des années 1990 qu’il conservait depuis plusieurs années dans un entrepôt et qu’il les a utilisées pour couvrir son abri de jardin, érigé en 2008. Après maintes discussions entre le notaire chargé de rédiger l’acte et le vendeur, j’ai été mandaté conjointement par ces derniers pour faire un prélèvement et une analyse afin de vérifier la présence d’amiante. |
Résultat « positif » et constat amiante à la clef.
Qui nous certifie que le nouveau propriétaire ne fera pas lui aussi un autre abri avec un lot de plaques que lui aura laissé l’ancien propriétaire et quel diagnostiqueur sérieux attestera, sans vérifier, qu’il n’y a pas d’amiante sur la propriété sous prétexte que le pavillon a été bâti en 2006 et l’abri de jardin en 2008 ?
2. Lors d’un passage chez un autre client, je suis mandaté pour réaliser DPE et l’électricité : le client ayant acheté son appartement 3 ans auparavant, il détient déjà un diagnostic amiante « négatif » et ne souhaite donc pas le faire refaire. Or, dans la cuisine, je constate la présence de dalles de sols en parfait état, mais qui me semblent douteuses. J’en averti le client qui me dit que je lui raconte n’importe quoi : lors qu’il a acheté, le sol de la cuisine était recouvert d’un « gerflor » posé directement sur la dalle béton (ce que confirme le diagnostic du précédent confrère). Néanmoins, j’insiste pour que nous ayons ensemble un rendez-vous sur place pour lui montrer ces fameuses dalles. Après avoir constaté l’évidence, il a pris contact avec son ancien locataire. Ce dernier l’a informé que le « gerflor » étant en mauvais état, il avait décidé, à ses frais, de le remplacer par des dalles de sol qu’il avait trouvé dans un magasin de vente de stocks et de surplus. Je mets donc le marché en main avec le vendeur : je fais faire une analyse et si les dalles ne sont pas amiantées, je paierais le coût de l’analyse. Si les dalles sont amiantées, je lui facturerai analyse et diagnostic amiante. |
Bingo ! Les dalles étaient amiantées.
Qui peut nous dire qu’entre 2 de nos passages, l’occupant n’a pas amené de l’amiante dans un logement (vraisemblablement même à sa propre insu) et quel diagnostiqueur sérieux ne poussera pas ses recherches à la seule vue d’un précédent diagnostic, même « négatif », s’il constate la présence de dalles qui n’existaient pas précédemment ?
Ces 2 expériences, peuvent sembler anecdotiques, mais que penser de celle qui suit…
3. En 2012, visite d’un appartement à vendre. Là, encore, on me mandate pour DPE, gaz et électricité, mais le diagnostic amiante existe déjà suite à une acquisition faite en 2008 et se révèle « négatif ». En me contorsionnant sous le meuble évier de la cuisine, pour réaliser mes mesures de continuité, je remarque, et seulement à cet endroit la présence de dalles de sol de couleur rouge qui n’avaient pas été déposées et visiblement pas remarquer par le précédent diagnostiqueur. Je connais bien ces dalles pour les avoir, d’une part déjà faite analysées dans cet immeuble et d’autre part, parce qu’entre temps, j’ai pu me procurer le descriptif de construction de cet immeuble qui précise bien que les dalles de sol sont en « vinyle-amiante ». J’en fais donc la remarque au vendeur qui se trouve avec moi et lui conseille de refaire ce diagnostic afin de dégager sa responsabilité. Bien entendu, la nouvelle lui déplait et la perspective d’une dépense supplémentaire lui fait refuser mon offre, me répondant que c’était de la responsabilité du précédent diagnostiqueur et qu’il n’en avait rien à faire…
J’ai donc réaliser les seuls diagnostics demandés, mais je me suis permis de notifier sur chacun des 3 (dans une rubrique spéciale baptisée « autres missions et devoir de conseil ») que j’avais noté la présence de dalles de sol amiantées afin de dégager ma responsabilité. Plus encore, j’ai adressé une lettre recommandée avec avis de réception au vendeur pour lui signaler cette présence de produit amianté, lui rappelant ses obligations en la matière et lui signifiant que ma propre responsabilité ne saurait être engagée ultérieurement. J’ai adressé copie de ce courrier au notaire chargé de la rédaction de l’acte :
3 jours avant la signature du compromis, je suis retourné en urgence dans le logement pour réaliser le diagnostic.
Défaut d’attention de précédent diagnostiqueur ? Incompétence ? Oubli ? Je ne sais pas ! Et je ne jetterai la pierre à personne en la matière : personne n’est à l’abri de ce genre de manquement ! Personne ne peut certifier n’avoir jamais omis un petit morceau de produit amianté ici ou là ! Même les meilleurs professionnels…
Le diagnostic réalisé par le diagnostiqueur qui m’a précédé peut-il donc être considéré comme ayant une durée de validité illimitée ? Ce qui reviendrait à dire, indéfiniment, qu’il n’y a pas d’amiante dans le logement alors que…
Je me répète, je ne suis pas un juriste et encore moins législateur, mais juristes et législateurs ne sont pas sur le terrain et pour eux, c’est facile, tout est noir ou blanc… Ou il y a de l’amiante, ou il n’y en a pas…
Je persiste et signe, je considère que, en l’absence d’indication de durée de validité sur le diagnostic, l’information fournit ne vaut que pour la date de notre passage : si dès notre départ, le vendeur fait des modifications et introduit d’une manière quelconque des produits amiantés sur sa propriété, nous ne pouvons pas le savoir et notre responsabilité ne saurait être engagée.
A contrario, si la durée de validité devait être illimitée, notre responsabilité s’engagerait pour les 30 ans de pénal à venir, alors que le vendeur a introduit un produit toxique et dangereux à notre insu. Mais allez donc prouver la fraude… !!!
En conclusion : je recommande, et je continuerai à recommander, à tous mes prescripteurs (notaires, agences immobilières, services publiques, particuliers…) de ne jamais réutiliser le précédent diagnostic amiante pour réaliser une nouvelle vente. Pour étayer mon argumentaire, je n’ai que 3 questions qui font mouche à chaque fois :
- Savez-vous précisément ce que le vendeur a pu faire depuis l’établissement du dernier diagnostic ?
- Etes-vous certain qu’il n’a pas introduit de l’amiante ?
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Voulez-vous vraiment engager votre responsabilité en lieu et place du vendeur ?
Et si je me bats pour refaire les diagnostics amiante au fur et à mesure des nouvelles cessions, il ne s’agit pas de mercantilisme : si j’accepte mes propres responsabilités en cas d’erreurs ou d’oublis (et à ce jour, j’ai un cahier des plaintes vierge de toutes demandes), je refuse de devoir un jour supporter la responsabilité d’un autre pour manquement au devoir de conseil, puisque je suis « sachant », certifié et assuré (et qu’en cas de difficultés, on saura bien me trouver pour me faire payer à la place d’un autre… )
Loin de moi l’idée d’ouvrir un débat ou une nouvelle polémique en la matière !
Loin de moi l’idée de critiquer le travail des juristes ou de remettre en cause la compétence du législateur !
Mais sur le terrain, la réalité est tout autre, et je serais ravi que quelques juristes (ou législateurs) se penchent sur ces questions et soient capables d’assumer leurs responsabilités quant à leurs interprétations d’un texte manquant de précisions ou de venir les défendre eux-même face à l’interprétation qu’en aura un avocat, ou pire encore, un juge, en cas de litige.
Publié le 10/01/2015
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